dimanche 2 novembre 2008

L’entreprise, c’est la passion au service de l’Economie



Il peut sembler singulier qu’en ouverture d’un rapport d’activité j’entreprenne de parler de passion. C’est qu’à vrai dire, mais je ne suis pas le seul dans ce cas, il m’apparaît de plus en plus fortement que la relation à l’économie et à l’entreprise est en train de changer. Dans les dernières décennies, en effet, l’ « ancienne machine à broyer les hommes » a peu à peu cédé la place à un concept complexe dans lequel les frontières, nationales ou autres, s’estompent. Bien sûr, le profit reste nécessairement l’exigence vitale d’une entreprise ; l’âpreté de la compétition, à elle seule, suffirait à le rappeler. Mais il n’en est plus l’horizon unique, et l’économie, qui voit son cadre se modifier, trouve maintenant sur son chemin des évolutions qui lui étaient jusqu’alors étrangères. Or, parmi celles-ci, s’il en est une dont la nature pourrait revivifier le rapport à son expression la plus aboutie : l’entreprise, c’est bien celle de la passion.Autrefois, la passion était déconsidérée. Les moralistes y voyaient une servitude. Pour eux, l’homme, soumis à une passion, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse d’une passion affective ou de n’importe quel autre penchant tel la peur, la colère, etc…, devenait un esclave incapable de raisonner, prêt à tout sacrifier y compris sa propre existence. Naturellement, ainsi conçue, la passion ne pouvait avoir aucune place dans l’économie que l’on voulait fondée, avant tout, sur le calcul rationnel. Mais les idées ont évolué. On a appris à regarder la passion d’une façon plus positive, surtout lorsqu’elle a trouvé son accomplissement dans une oeuvre. On a alors parlé de passion à propos d’un engagement, qu’il fut artistique ou politique par exemple. Il me semble qu’il est temps d’intégrer cette idée dans la représentation que nous nous faisons de l’entreprise. Car, l’entreprise ne doit plus être considérée uniquement comme un moyen de faire du profit, sinon elle devrait cesser d’être. Elle mérite d’être regardée avec une portée beaucoup plus large, comme une « œuvre ». Un peu à contre courant de la mode, je pense que l’entreprise a un rôle social à jouer dans les régions où elle est implantée. Elle tient lieu, ou est appelée à tenir lieu, de pôle anciennement dévolu à la terre, celui de l’enracinement ; c’est pourquoi, d’ailleurs, j’insiste sur le respect de la diversité des cultures dans notre Groupe. Mais une telle ambition ne peut se réaliser si les responsables les plus impliqués dans l’entreprise ne sont pas animés par la passion, s’ils ne sont pas habités par l’œuvre qu’ils façonnent.Tel est mon premier point. Mais il en est un autre qui justifie que je m’attarde sur la passion. Si une entreprise est une oeuvre, c’est l’œuvre commune de tous les acteurs qui s’y trouvent engagés. En ce sens, la passion peut acquérir une signification particulière en son sein. Nul n’ignore qu’actuellement un déséquilibre est en train de se créer dans l’entreprise en faveur de sa structure abstraite et au détriment des hommes et des femmes qui l’édifient. On réclame toujours plus de productivité au motif que la structure, à quoi l’on réduit l’entreprise, se doit d’être compétitive si elle veut vivre ou simplement survivre. Il est vrai que la compétitivité est une nécessité incontournable, il ne s’agit pas ici de le nier, tout au contraire. Mais c’est, me semble-t-il, une erreur de vouloir l’imposer de façon unilatérale. Les armes habituelles ne sont pas nombreuses et se résument souvent à des délocalisations socialement très dommageables. Ces solutions de facilité n’entrent pas dans notre philosophie.Si une entreprise doit faire des profits pour exister, elle doit aussi participer à la vie de la collectivité. Outre qu’il n’est jamais bon ni profitable d’imposer quoique ce soit de façon abrupte, il y a dans cette conception une faute de jugement. On veut croire, en effet, que la contrainte est bénéfique, qu’il suffit d’imposer des défis, des objectifs élevés pour obliger les hommes à se dépasser et donner le meilleur d’eux-mêmes. On néglige toujours que ceux qui peuvent y parvenir sont ceux qui ont su faire emmerger de leur propre personnalité une motivation : intérêt, vanité, simple satisfaction personnelle, ambition... ou passion. Or, de toutes ces motivations, la passion est non seulement la plus noble et la plus durable, mais elle recèle quelque chose que les autres n’ont pas ; elle élève celui qui la vit. L’intérêt, par exemple, ou l’ambition ne sont pas concernés par l’œuvre à accomplir. Ce sont des « vices » privés dont l’entreprise tire bénéfice selon la célèbre sentence : « vices privés, vertu publique » et dont la satisfaction ne rend personne meilleur. L’homme passionné, en revanche, est lié à son œuvre ; plus elle se développe, plus il grandit. La réussite de l’œuvre est la sienne, sa réussite personnelle est celle de l’œuvre. Ainsi, non seulement la passion se montre-t-elle bénéfique pour l’entreprise, puisque celui qui en est animé va toujours chercher à se dépasser, mais elle est encore profitable aux hommes et aux femmes qui s’y accomplissent. De la sorte, le déséquilibre dont je parlais me paraît pouvoir être dépassé, sans qu’il porte pour autant atteinte à la compétitivité de l’entreprise, en la renforçant même.Telles sont les deux raisons qui m’ont poussé à évoquer la passion au seuil de ce rapport. Tel est aussi le message que je voudrais vous adresser parce que je sais que vous y serez réceptifs : une entreprise ne pourra être viable et se développer que si, au delà de leur simple devoir de salariés, ceux qui y sont engagés trouvent assez de ressources pour se passionner. Ces propos, très libres, sont, croyez-le bien, une marque de confiance envers vous tous qui contribuez à la vie du Groupe, vie intense, vie dynamique. Pour cela, je tiens ici à vous remercier très chaleureusement.

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